Je veux un autre cerveau.
Je veux quelque chose qui ne me transforme pas en poisson quand le téléphone sonne.
Surtout que je me transforme en poisson que lorsqu'il s'agit de  quelque chose d'important. Si je le faisais au moment de prendre un message pour un membre de la famille, vous pensez bien que je m'en contreficherai.
Nan nan, mon cerveau est vil, fourbe, et mesquin, il ne le fait qu'aux moments cruciaux.

Ne riez pas, c'est à peine drôle. C'est un problème grave, très lourd à porter. C'est un peu le drame de ma vie. Quand je réponds au téléphone, mon qi chute brusquement. Jusqu'à atteindre le niveau d'une huitre, soit un QI de 2. Le niveau d'un poisson à la rigueur, quand je suis en forme. Le problème, c'est que je n'ai pas la mémoire qui chute en proportion. Si encore ma mémoire chutait elle aussi au niveau celle d'un poisson (3 secondes, faut il le rappeller ?), ce ne serai pas trop dramatique, parce que n'ayant aucun souvenir de la conversation, je n'aurai aucune raison de me désespérer.

Mais non. Je garde une bonne mémoire. Très bonne même. Qui tient d'ailleurs à me rappeller à quel point j'étais pathétique.
En gros au téléphone quand je suis troublée comme ça, je suis capable de trois choses :
- tenir une conversation sommaire [Ca va ? ça va et toi ? -ah bah oui ça va bien, mais toi la fac ça va ? Ca va, j'ai beaucoup de travail, mais vu que je vais en avoir plus encore... - Ouais je comprends, (etc)] (bon le sujet concerne des choses simples, alors c'est bon je suis encore capable de tenir. Mais quand ça devient subtil, avec ambiguités, et/ou un peu trop émotionel, c'est la panique à bord.).
- Faire parler mon interlocuteur pour éviter de meubler la conversation [Et toi tes chantiers ça se passe comment ? Ah bah alors (explications de 10 minutes, très reposantes pour moi)]
- Quand l'autre parle, rire au moments cruciaux, approuver, encourager, et surtout j'arrive à la perfection (maintenant j'ai beaucoup d'entrainement), à ne pas montrer que mon cerveau n'arrive pas à analyser en temps réel les conversations. Donc je réponds et, 2 secondes plus tard je percute (aaaaaaah c'est ça qu'il voulait dire).
Avec le temps j'ai appris à éviter les :
[mon correspondant] : et donc j'ai vu Untel hier etc...
[moi] : aaaaah, ça devait être bien... vous avez fait quoi ?
[moi (deux secondes après)] : aaaaaaaaaah t'as vu UNTEL ?

Bref, tout ça pour dire que tout à l'heure Be m'a téléphoné. (le grand feuilleton de l'été, qu'an-droid réclamait à cor et à cris continue).
Heureusement l'animal est bavard et a beaucoup parlé de lui, et du voyage qu'il allait faire.
Mes répliques étaient particulièrement spirituelles -.... ; - ah oui.... ; 
Non, en fait j'exagère, j'ai parlé avec lui, normalement aussi, on a parlé de ses chantiers, de l'Afrique (où il part dans quelques jours), un peu de ma fac. Ca m'a fait du bien de parler à quelqu'un de complètement extérieur au milieu de la fac, qu'il me parle de ses chantiers, des chantiers futurs prévus l'été prochain, de la vie de l'assos', qu'il me dise à nouveau que je devrai être animatrice, ça me change des amis que je voie tous les jours et avec qui nos grands sujets de discussions sont on ne peut plus enthousiasmants (Bio, Thermodynamique, Physique, menu du Resto U, horaires des Tds, et quelques délires quand nous nous défoulons après les cours), et c'est très agréable, et reposant de penser à autre chose qu'à ce fichu concours.

Le problème en fait c'est qu'au bout d'un moment mon cerveau s'est enrayé (nan mais attend, là il a dit ça, mais il sous entendait quoi ?). Vous voyez le genre. Et j'étais incapable de dire ce que j'aurai réellement voulu dire.
Si j'étais dans une sitcom je serai en ce moment même en train d'hurler dans le téléphone avec ma meilleure amie, pour analyser chaque mot de notre conversation. Manque de bol, j'ai UN meilleur ami, qui a mieux à faire, et je ne me suis pas encore remise de ce coup de téléphone, donc je suis loin de pouvoir appeller quelqu'un.

En tout cas je suis partie pour avoir des doutes pendant les deux mois à venir (Nan mais attends, il a dit qu'il serai sur Paris, pendant plusieurs mois, après et qu'il aurait un appart etc, et qu'on  pourrait se voir. Tu crois qu'il veut dire se voir, ou se voir. ? etc (je ne vais pas vous faire la liste des phrases bien plus ambigües que ça qui ont été prononcées dans notre conversation, on y serait encore demain)).

Somme toute c'est très agréable, de penser à autre chose qu'à de la biomoléculaire en s'endormant.

Mais j'aimerai quand même être un peu moins mongolienne quand j'ai un téléphone dans la main. (histoire de pas, en m'endormant, être obsédée par une angoisse métaphysique telle que "Est ce que j'avais l'air aussi stupide que dans mon souvenir ?").