Il faut que je range mon été. Que je fasse de la place dans ma chambre et dans ma tête, pour la suite.
Mais je me souviens de ce mois d'août
Ce chantier d'août... L'ambiance, si différente de juillet.
De ceux qui venaient de foyer. Qu'on sentait écorchés sous leur armure.
Des accrochages, des réconciliations, de l'ambiance si changeante.
De ces dix dalles de 200 kilos à hisser le long d'une pente (très inclinée). De tous, tirant sur la corde, des deux, qui poussaient sous la pierre nous priant de ne pas lâcher.
De ces dix dalles, qu'il a fallut tailler, pour les vieillir.
De ces heures à tailler les pierres, en plein soleil, la canicule de l'alsace. Les éclats de pierre qui volent, sur les bras et les jambes nus, et font mal, que l'on retrouve encore des heures plus tard dans les cheveux.
Des lunettes de protection modèle "mouche-aviatrice".
De ces escaliers qui, au début, semblaient impossibles à réaliser, les pierres sèches qui ne voulaient pas tenir, mais qui se sont montés, malgré tout.
De la terrasse, à finir, surlaquelle j'ai travaillé, seule pour les finitions.
De l'impression que ça n'en finira jamais, que les pierres sont minuscules et le mur, la profondeur, à construire gigantesque.
De la satisfaction d'avoir finit.
Des accrochages, engueulades, vannes, permanantes. Des écorchés vifs qui se heurtaient parfois et se faisaient mal.
De M, et de A, qui se sont trouvés. Deux malmenés par la vie qui se sont raccrochés l'un à l'autre.
Des moments où il est mieux de s'isoler un peu, parcequ'une ambiance toujours tendue est dure à supporter. Lire, seule, sur les ruines du château, tout là haut, alors que les autres sont partis dans un bar.
Du soir qui tombe, doucement, du calme, de la vue imprenable, du ciel pur, de la paix enfin trouvée.
Des étoiles qui s'allument une à une.
De tous ces bons moments, passés malgré tout avec les autres, malgré l'ambiance qui dégénerait vite. De ces excellents souvenirs.
Je me souviens de la maçonnerie, du mortier qui abime les mains (voilà ce qui arrive avec la chaux... ironie du sort).
Des promeneurs, curieux, qui avaient souvent un mot d'encouragement pour nous.
Je me souviens des repas, des râleurs, pour qui ce n'était jamais assez bon, toujours trop cuit ou trop froid, trop simple ou trop bizarre.
Je me souviens des lits de camp, des matelas de 2cm d'épaisseur (et je suis généreuse), de la première nuit dessus, très dure, de toutes les autres nuits, sans problème (sauf l'impression de ne plus avoir de dos le matin au réveil).
Je me souviens des débats sur la façon de doser le café, de préparer le ptit dej'.
De P, qui avait tenté sa chance, avec moi, un peu brutalement et en public (ferme les yeux t'as quelques chose sur la paupière (et moi pauvre béotienne qui ferme les yeux)) (finesse et délicatesse). D'avoir dû discuter avec lui, lui expliquer que non... De M, qui s'inscrustait pour écouter.
De m'être fait gentiment vanner les jours suivants, mais d'en avoir été gênée pour P ("ben alors Villys, tu t'es lassée de travailler avec un burin, maintenant tu utilises des rateaux ?")
Je me souviens des douches (collectives, s'il vous plaît), qu'il fallait aller prendre dans un gymnase, à deux kilomètres (en pente...). Des délires dans notre vestiaire, des mecs qu'on entendait délirer aussi dans le vestiaire à côté.
De C, le directeur qui nous emmenait, dans sa bagnole, ainsi que F, le directeur adjoint, et B.
D'avoir rit avec C, parceque je faisais mine de pousser les cyclistes lorsque j'étais près d'une fenêtre (pour les aider à monter, pas les faires tomber...), et que lui fit mine de comprendre que je n'avais qu'une envie, leur toucher les fesses. Des éclats de rire, dès qu'on croisait un cylciste.
Des délires avec les autres filles, dans la voiture de F, (une twingo "décapotable"), F qui conduisait mal, admettant lui même avoir eut son permis dans une pochette surprise, de nous qui, le charrions, nous levions au travers du toit ouvrant, à l'arrivée au lieu où on logeait, en hurlant, sous le regard hilare de C.
De C après que je l'aie charié, qui me convoque dans son bureau, pour me vanner à son tour sur la photo que j'avais mise dans le dossier (je HAIS les photomatons (j'avais fait un article sur cette photo en plus ^^))
Je me souviens de A, qui un jour, en plein milieu du travail, a commencé à nous parler. Du torrent de paroles, des confidences longtemps retenues qui sortaient enfin. De nos tentatives pour l'encourager à parler ensuite, à dénoncer. De son automutilation, pour exorciser, sans doute, le soir même, quelques plaies sur les bras. Elle nous les montrait ensuite, elle appellait à l'aide.
Des discussion le soir. Des fous rires, inextinguibles. Des soirs où l'on était tellement crevés que l'on dormait, envers et contre tout, orages, bruits et chahuts.
Je me souviens des soirs, où, montant au château, on tombait sur une troupe de théâtre/danse amateur, de les avoir regardé jouer, mettre en place leur mise en scène.
D'avoir parlé avec eux, sympathisé, leur avoir donné un coup de main pour transporter leur matériel, au fur et à mesure de l'avancée des répèt' et de l'approche du spectable. D'être venus les voir jouer, tous ensemble. De la magie, d'avoir vu le spectacle se monter, au jour le jour.
Je me souviens du soir, où l'on était quelques uns tout en haut du château. De l'orage, loin d'abord, puis du vent, incroyablement puissant, qui se lève, de la pluie. Courir dans la pente pavée. D'être rentrée trempée. De la chaleur réconfortante des vêtements secs, d'un thé, des locaux.
De mes livres que je laissais trainer partout, que je devais ressortir chercher en courant, lorsqu'il pleuvait.
De l'ambiance qui avait finit par trouver un équilibre (instable, certes, mais un équilibre quand même).
Je me souviens de ce soir où je regardais les étoiles, comptant les étoiles filantes, dans le noir, non loin de notre logement, mais invisible. De Be qui remonte du bar, avec les autres, et qui s'étonne de ne pas me voir, qui sort me chercher. Des discussions avec lui.
Des délires, un peu, des attitudes, questions, parfois un peu, juste un peu ambigües. Du travail, seule avec lui et C, des rires tous les trois.
De cette pierre que je devais amincir pour ma terrasse. Une bonne demie heure pour lui enlever deux petits centimètres d'épaisseur (elle était grande la pierre). Be qui arrive et qui en trois coups de ciseau m'arrache le centimètre supplémentaire. Et en plus c'est nickel chrome, bien plat, juste ce qu'il faut. Ouais bon ok, t'es tailleur de pierre... on sait. Son rire en cascade. -Promis je recommencerai plus.
De ce fichu relevé que l'on avait dû faire sur un site voisin, Be et moi en préparation à un chantier futur, d'une autre fille qui nous acompagnait, des croquis, des mesures, de C qui arrive et qui déclare, d'un ton sentencieux, qu'il faut tout recommencer. Des protestations de Be et moi, de l'inflexibilité de C, des confusions Nan mais attends, pour toi CA, c'est la première rangée de pierres ou la deuxième ? Et cette pierre, c'en est une seule, ou c'en est deux ? - Quoi, ça un joint ??? Tu te fous de moi, c'est une fissure.. Comment ça c'est pas évident ? Mais si, ça l'est ! -Mais enfin regarde c'est du mortier ça... - Pfff mais nan... C'est la pierre qui s'est éfritée. - Heu vous parlez de quelle pierre là ?
C qui nous reprenait gentiment. Be et moi qui nous regardions par dessus son épaule, hilares.
De m'être sentie bien.
Des discours de C pour que je sois animatrice, ensuite relayés par Be.
Des journalistes qui sont passés, sur nos sites.
De B. De mes sentiments. En équilibre. A la limite. Et qui le sont toujours.
Du Soir Ecarlate. Du choc.
Du dernier matin. De son oreiller, de l'avoir senti là, attentif, de ses quelques mots. Des adieux. A regret.
Du voyage en car, larmes d'épuisement, de choc.
D'avoir marché dans mulhouse, épuisée, des cernes immenses accrochés aux yeux, en quête d'un endroit pour bouffer.
De mon train, du type, assis en face de moi qui me regardait sans comprendre, dormir, écouteurs sur les oreilles, pleurant, un peu, doucement.
Les souvenirs qui me restent, quelques bouts de papiers, quelques adresses. Des numéros de téléphone que je ne composerai jamais.
Le mini disc, que A m'empruntait toujours, qu'elle écoutait, ce soir là... En l'écoutant, cette chanson, tu penseras à moi ? ... Oh oui, pour le coup je pense à elle... Je ne peux plus l'écouter sans un sentiment de tristesse, de remords. Sans un énorme noeud au coeur.
Radiohead, écouté avec une des filles avec qui je partageais ma chambre.
Ou seule, dans le noir, au moment de dormir. Exit Music (for a film). Magnifique pour glisser vers le sommeil.
Le mini disc, les cd de Noir Des' aussi, de la discussion sur notre sentiment après ce qui est arrivé (je n'ai pas envie de nommer "ce qui est arrivé", parceque suffisament de personnes atterrissent déjà sur mon blog avec le nom du chanteur, je veux pas que ça s'amplifie), avec une fille, de là bas.
Un morceau de journal que j'ai découpé, parceque c'était le seul article un peu sensé que j'avais trouvé à ce propos. Parcequ'il résumait bien mon sentiment, parce que l'analyse, pour une fois était juste.
Il me reste tout ça, et tant d'autre chose encore, des images plein la tête, des instants, certaines personnes, marquantes rencontrées cet été, certains évènements, qui semblent gravés en moi. Il me reste tout ça, et je dois le ranger. Tourner la page.
J'ai pas tellement envie. J'ai un peu la nostalgie de cet été, d'août surtout, parceque la fin brutale laisse un goût d'inachevé, un peu amer. C'est doux la nostalgie, je n'ai pas tellement envie de voir tout ça s'éloigner et s'estomper. Il le faut, je sais bien, mais je garderai un beau souvenir de ce mois d'août.
Je ris encore en dépassant des cyclistes en bagnole. Je ne peux écouter certaines musiques sans penser à Be (qui m'a finalement recontactée), ou à A. Des petites situations anodines qui font remonter les souvenirs, comme des bulles de savon, qui éclatent ensuite, et me submergent, l'espace d'un instant. Des souvenirs en demi teinte, amer et tendres, qui me font sourire, seule.
Même si ce mois d'août était parfois dur, il était beau en un sens. intense. très intense.
De l'amer et du doux intimement mélangés, au sein même du soir écarlate, mais aussi durant tout le mois. Du noir, du blanc, et des millions de nuances...
Commentaires :
Re:
futain c'est horrible toutes ces fautes, ça gâche tout.
Pitié corrige ou efface, j'ai honte.
:-(
Re:
je crois que je comprends ce que tu as voulu dire... On voit tellement de gens impassibles, tous les jours que voir quelqu'un exprimer une émotion, c'est sentir qu'il est vivant, vibrant.
(Bon en même temps, j'ai pas l'habitude de me donner ainsi en spectacle.. (sauf que c'était pas du spectacle, c'était, je ne sais pas... naturel..)).
Merci pour ce joli commentaire..
Re: Re:
Mr Ours défiguratationneur de post en 12 fautes par ligne de commentaire.
Merci d'avoir corrigé. Qu'est ce que je peux être fatigué, si ça continue je vais écrire en SMS comme les djeun's.
PS : les claviers 12 touches, c'est pas adapté à mes pattes.
Je suis content d'avoir lu cet article. J'ai senti parmi ce tourbillon de souvenir des choses positives, très positives.
Un peu comme à l'image de la vie, on est chahuté, bousculé, on pleure, on rit on vole d'un sentiment, d'une sensation à une autre. C'est un bel article, vraiment.
exvag
J'ai aimé ces mots : pleurant, un peu, doucement.
Je ne sais pas ce que pensait le type en face de toi. Bien que je regrette ce qui est arrivé ce soir là. Je crois que j'aurai voulu être ce gars. Voir ces larmes couler sur tes tâches de rousseur, sans sadisme aucun mais beaucoup de compassion, juste pour ressentir l'émotion de te regarder, parce que c'est grâce aux émotions que l'on sait que l'on est vivant.